Si les éléments objectifs d’évaluation de la relation entre le comportement au travail et la performance sont rares dans la littérature, il est très facile de percevoir leur importance. Cette perception n’est possible que si s’installe un dialogue entre le cavalier et l’éleveur. Le premier peut utilement permettre au second d’évaluer ces paramètres et d’en tenir compte dans ses choix de croisement et, à l’inverse, l’éleveur peut aider le cavalier en l’informant sur les paramètres du comportement à l’élevage qui peuvent orienter son travail.
Le premier élément d’appréciation du comportement au travail est le courage : celui avec lequel le cheval aborde une séance de travail ou une simple promenade ; celui avec lequel il accepte de reproduire un exercice qui s’est mal passé, celui avec lequel il accepte les « séances de musculation » qui lui sont imposées. Un cheval courageux est « dur au mal » et accepte de travailler dans la souffrance. Le courage, c’est aussi l’attitude avec laquelle le cheval fait face aux situations nouvelles (il est, à ce titre, à rapprocher du tempérament et de l’attitude à l’élevage). Il faut du courage pour sauter pour la première fois un obstacle nouveau, pour monter dans un van mal éclairé, etc…
Le courage (dont l’absence est caractérisée par la « timidité ») est une prédisposition qui peut être transmise par le père et qui peut également être le point commun des individus d’une même lignée maternelle. Il est à l’évidence héritable et utile pour le cavalier. Le courage se transmet mais il se cultive également dans la relation de confiance qui doit s’établir avec le cavalier. Attention : s’il se cultive, il peut aussi se perdre… il est alors difficile à retrouver !
Le deuxième paramètre est le respect. Il y a des étalons qui produisent plus « respectueux » que d’autres. C’est une caractéristique qui peut se quantifier pour les pères ayant un grand nombre de descendants, au travers de leurs notes à ce titre en concours d’élevage, et en fonction de leur palmarès sportif.
Le respect est, avec la force, une des deux qualités indispensables pour espérer le succès à un bon niveau de compétition. Dans la mesure où cela n’altère pas son courage, un cheval ne peut pas être « trop respectueux ». Par contre, un cheval « viscéralement » respectueux est plus facile à décourager qu’un cheval négligent : il préférera s’arrêter plutôt que de mal faire.
Un cheval respectueux sera plus facile qu’un cheval négligent à faire évoluer dans sa technique de saut, et plus apte à tirer le meilleur parti possible de ses caractéristiques morphologiques, de locomotion et de geste naturel à l’obstacle.
Le respect est une prédisposition naturelle que le travail du cavalier doit mettre en valeur et préserver. Le respect peut également s’obtenir dans la contrainte (cf plus haut) mais, au-delà des considérations d’éthique, c’est toujours de manière provisoire et au détriment de l’intégrité physique du cheval.
Dans ce petit livre, nous ne nous intéressons qu’à ce côté « héritable » des caractéristiques, qui est le seul susceptible d’orienter l’éleveur dans ses choix et le cavalier dans son travail. Les performances obtenues de manière trop « artificielle » dans les concours d’élevage et les épreuves jeunes chevaux ne constituent pas des informations utiles et pourraient même être considérées, pour des reproducteurs potentiels, comme une « tromperie sur les qualités substantielles ».
Pour finir, le critère « d’intelligence » apparaît comme utile pour choisir un croisement.
L’intelligence ne s’entend pas ici comme une faculté d’analyse et de déductions dont sont capables d’autres espèces animales, mais comme une capacité de produire et surtout de reproduire une réponse appropriée à une sollicitation de l’entourage.
Un cheval « intelligent » donne ses 3 autres pieds à son groom spontanément après avoir été sollicité pour donner le premier, il est capable de rectifier une erreur dans un exercice (ligne de cavalettis, changement de pied, etc…) et surtout de ne pas la reproduire quelques séances de travail plus tard. Il devient très vite capable de reproduire sans sollicitation ou presque un mouvement qu’il a appris : report de poids sur l’arrière-main dans une ligne, incurvation dans un virage…
Non seulement un cheval « intelligent » est un compagnon plus agréable au quotidien mais c’est, aussi toutes choses égales par ailleurs, un athlète plus efficace et plus performant.
L’intelligence est indiscutablement « héritable », même si c’est encore dans des proportions mal connues et c’est une qualité à rechercher même si, à l’excès, elle peut devenir contre-productive si elle n’est pas accompagnée du courage suffisant…
Les paramètres comportementaux permettent de mieux comprendre comment le cheval utilise ses caractéristiques morphologiques, de locomotion et de geste naturel à l’obstacle pour exécuter l’exercice ou le travail qui lui est demandé. Tous les mécanismes d’interaction et de compensation entre les caractéristiques en question, dont certains ont été soulignés en cours d’ouvrage, sont mis en œuvre grâce à des « logiciels comportementaux » complexes que l’expérience permet au cavalier et à l’homme de cheval d’appréhender et que la science devrait à l’avenir nous aider à décoder.
En attendant, et de manière empirique, le mariage des caractéristiques comportementales pour obtenir une attitude appropriée au travail est un des aspects du choix d’un accouplement que l’éleveur doit prendre en compte avec le plus grand sérieux !